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misme au front de tous ses personnages : ils ont des travers, des ridicules ; ils n’ont point de vices. Ils sont quelquefois coupables, jamais incorrigibles. Le pire défaut des jeunes gens qu’il met en scène, c’est un beau défaut, et celui qui passe le plus sûrement, c’est leur jeunesse même : ses jeunes filles sont toutes d’une candeur qui rassure ; ses veuves sont à peine coquettes ; ses soldats sont tous des cœurs d’or, et ses paysans sont tous d’anciens soldats ; ses diplomates sont gais, ses financiers généreux, ses ministres sont des Mécènes. Dans un des vaudevilles que j’ai nommés, un jeune employé a fait une chanson contre son ministre ; le ministre en est informé, lit la chanson, et donne de lavancement à l’auteur…... Vous le voyez, Messieurs, c’est l’âge d’or.

Ce parti pris bienveillant n’exclut d’ailleurs chez M. Scribe ni la finesse, ni l’étendue, ni la vérité de l’observation. Ses types, bien qu’adoucis, sont des portraits dont la fidélité nous saisit. Il peint les hommes assez ressemblants pour qu’ils aient le plaisir de se reconnaître, pas assez pour qu’ils s’en attristent et s’en découragent. C’est ainsi qu’il laisse dans leur esprit une impression singulièrement sympathique, et en même temps profondément morale, parce que l’idée du bonheur et celle de l’honnêteté s’y trouvent en quelque sorte confondues. Je ne sais, en effet, si je me trompe, Messieurs, mais je me persuade que dans la fiction, comme dans la réalité, la meilleure leçon morale que l’on puisse donner aux hommes, c’est le spectacle du bien, la vue des honnêtes gens. J’ose douter que l’esclave ivre, qui jouait un rôle dans l’éducation des jeunes Spartiates, fût un enseignement très-profitable, très-heureusement approprié