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grands principes qui font l’autorité avec l’esprit libéral qui la renouvelle sans cesse et l’éternisé.

Pour moi, Messieurs, j’ai à peine le droit, je le sais, de me donner comme un des représentants de ce genre que je viens de louer ; et, si j’ose revendiquer devant vous, avec cette insistance, le titre de romancier, ce n’est pas seulement pour obéir à une prédilection de mon esprit et pour trouver l’occasion de quelques hommages qui me tenaient au cœur ; c’est surtout, je l’avoue, pour éloigner de moi, autant que possible, un parallèle qui m’effraye : je cherche à oublier, et je désire presque qu’on oublie mes essais dramatiques, au moment où je vais nommer celui que j’ai l’honneur de remplacer ici, au moment où je vais parler de M. Scribe.

Louer le roman, au surplus, Messieurs, c’était déjà louer M. Scribe, dont le souple et fertile génie toucha en passant à cette branche de l’invention littéraire. Ce n’est pas toutefois l’idée du roman que réveille avant tout ce nom si justement populaire ; ce n’est pas dans ce domaine de l’art que ce nom est demeuré pendant près d’un demi-siècle comme le synonyme du vif esprit et de la grâce sympathique qui semblent propres à la nation : c’est sur la scène française que les dons véritables de M. Scribe, que l’admiration et le deuil publics, que votre estime et vos regrets m’appellent, Messieurs, et que j’essayerai de les suivre avec une pieuse fidélité.

Eugène Scribe était en 1791, à Paris, d’une honorable famille de marchands, sous ces piliers des Halles déjà hantés par une ombre illustre : c’est là que la Muse le choisit, — non pas sans doute cette Muse qui était venue un siècle au-