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vre ! David vient de faire périr Urie dans un combat afin de pouvoir posséder sa femme, « Alors le Seigneur envoya Nathan vers David, et Nathan, étant venu le trouver, lui dit : « Il y avait deux hommes dans une ville, dont l’un était riche et l’autre pauvre. Le riche avait un grand nombre de brebis et de bœufs. Le pauvre n’avait rien du tout qu’une petite brebis qu’il avait achetée et nourrie, qui avait grandi parmi ses enfants en mangeant de son pain, buvant de sa coupe et dormant en son sein ; et il la chérissait comme sa fille.

« Un étranger étant venu voir le riche, celui-ci ne voulut point toucher à ses brebis ni à ses bœufs pour lui faire festin ; mais il prit la brebis de ce pauvre homme et la donna à manger à son hôte.

« David entra dans une grande indignation contre le riche et dit à Nathan : « Vive le Seigneur ! Celui qui a fait cette action est digne de mort. Il rendra la brebis au quadruple pour en avoir usé de la sorte et pour n’avoir pas épargné le pauvre. »

« Alors Nathan dit à David : « C’est vous qui êtes cet homme[1] ! »

Quelle péripétie ! quel coup de théâtre que ce mot : C’est vous qui êtes cet homme ! Comme l’allégorie se dissipe à l’instant ! Comme le nuage crève et comme la foudre éclate ! Aussi le mot a-t-il semblé trop hardi aux dévots de l’esprit monarchique, étant adressé à un roi : « Si nous ne savions pas que Nathan est un prophète, dit l’éditeur des Fables

  1. Rois, liv. II, ch. xii.