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Il n’en est pas un seul qui, dans sa vanité,
Ne rêve d’opulence et d’immortalité,
Ne se croie un phénix de génie et de gloire,
Ne se voie en grand homme incrusté dans l’histoire.
Ils vont tous contre moi déchaîner leur fureur.
Sous des torrents de fiel étouffer un censeur
Qui vient insolemment s’attaquer à leurs livres,
Troubler leur quiétude et leur couper les vivres.



Tu trembles, vieille muse, et ne veux plus subir
Ces huit ans de combats que j’ai dû soutenir,
Quand vingt journaux sur moi dégorgeant leur critique,
Fouettant, soir et matin, mon zèle dynastique,
M’offraient en holocauste aux trois partis divers
Qu’attaquaient hautement mes discours et mes vers.
Eh bien ! que nous ont fait ces torrents d’épigrammes,
De lazzi, de brocards, de mensonges infâmes ?
Ton courage et le mien en ont-ils chancelé ?
Mon sommeil un moment en fut-il ébranlé ?
Si par tous ces frelons à grands coups assommée,
À de mes premiers vers péri la renommée,
Je m’en suis fait une autre, et je puis m’en vanter.
Nul poëte avant moi n’eût osé le tenter.
Mes détracteurs sont morts et je suis plein de vie.
Partout où tu me suis, n’es-tu pas applaudie ?…

Tu ris, tu me diras que ceux dont je médis
Sont plus que moi peut-être en vingt lieux applaudis.