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œuvres le même flambeau vous éclaire, le même feu vous anime ; vous aimez, vous servez la même cause ; à travers les différences qui restent encore entre vous, on ne saurait promener de l’un à l’autre ses regards sans être frappé de votre harmonie ; et, si vous vous sentez heureux d’avoir pour prédécesseur M. de Tocqueville, j’incline à croire qu’il vous eût volontiers choisi pour son successeur.

Félicitez-vous donc, Monsieur : dans votre diversité et dans votre accord, vous avez eu, M. de Tocqueville et vous, l’honneur d’être les représentants des plus nobles instincts et des plus pressantes comme des plus pures aspirations de notre temps. La société française n’a aujourd’hui nul penchant ni à redevenir ce qu’elle était au moyen âge, ni à devenir ce qu’est, dans le nouveau monde, la république américaine ; ni ce passé ni cet avenir ne lui conviennent, et elle a prouvé qu’elle renierait quiconque voudrait lui imposer l’un ou l’autre. Mais elle désire, elle invoque, tantôt avec éclat, tantôt au fond du cœur et malgré les apparences contraires, la foi religieuse et la liberté politique ; elle sent par instinct, elle sait par expérience que ces deux puissances sublimes sont nécessaires l’une à l’autre, et que leur sûreté comme leur dignité leur commandent également de s’unir. Que la foi soit libre, que la liberté soit pieuse ; c’est là, à travers toutes les révolutions et tous les régimes, les vœux supérieurs de la France, comme, entre M. de Tocqueville et vous, et au-dessus de vos différences, le but commun de vos âmes et de vos efforts.

Je ne saurais, Monsieur, en disant ce que je vous dis là, me défendre d’un retour sur moi-même auquel il me sera permis, j’espère, de m’arrêter un moment. Ce que souhai-