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Il suivit à pas lents son ami courroucé.
Le regard suppliant, le corps tout ramassé.
Cherchant à ranimer une vieille tendresse,
Il risqua même une caresse :
Et trois et quatre fois il se vit repoussé.
Le chenil fraternel, la terrine commune,
Tout lui fut interdit, tout jusqu’à la maison.
De mon gros chien l’intraitable rancune
N’y voyait qu’un ingrat indigne de pardon.
Son terrible regard le tenait à distance.
Cela dura longtemps. Le roquet en perdit
Et le sommeil et l’appétit.
Autour de la maison il rôdait en silence.
Accablé de son repentir.
Jurant cent et cent fois de n’y plus revenir,
Si son ami jamais oubliait son offense.
C’est un fardeau lourd à traîner
Que le souvenir d’une faute ;
Mais il est pour les grands une vertu bien haute.
C’est de croire au remords et de lui pardonner.
C’est ce que fit mon chien, je le dis à sa gloire.
Je n’aurais sans cela pu me déterminer
À vous raconter son histoire. »