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Mais une haine invétérée
Animait ces fiers combattants.
Ils ne pouvaient se voir sans se montrer les dents.
Chacun prétendait seul régner sur la contrée ;
Et, dans tous les pays comme dans tous les temps,
Qu’il s’agisse d’un prix, d’un trône ou d’une place,

Les gens de cour, comme ceux du Parnasse,
Ont détesté leurs concurrents.
Les renards, les chacals, hyènes et panthères,
Tous les hôtes des bois, des rochers, des tanières,
Se partageaient entre les deux.
Mais nul dans ce combat ne hasardait sa vie.
Leur prudente amitié se bornait à des vœux ;
Le danger comprimait leur belliqueuse envie.
Et la muette galerie,
Sagement retranchée en un taillis voisin,
Attendait l’arrêt du destin.
D’autres rois auraient fait appel à leur courage ;
Et les peuples, en pareil cas.
N’ont point la faculté de se croiser les bras.
Mais les rois des forêts suivent un autre usage ;
Ils vident tout seuls leurs débats.
Bref, au pire des deux le destin fut propice ;
Et le grand nombre eût préféré
Que son rival l’eût dévoré.
Mais nul ne condamna la céleste justice.
Pour blâmer, insulter, maudire le vaincu,
Pour louer le vainqueur et pour lui faire fête.
Ils sortaient à l’envi de leur sombre retraite ;
Ils célébraient en chœur sa gloire et sa vertu ;