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le prophétique conseil de votre maître ; et, quelque favorables que fussent sur vous ses pressentiments, vous avez tenu, à coup sûr, plus qu’il ne s’était promis.

Encore quelques années, et M. Berryer allait de nouveau vous entendre, non plus dans la modeste chapelle du collège Stanislas et assis à côté de jeunes écoliers, mais dans la cathédrale de Paris, sous les voûtes de Notre-Dame, au milieu d’un public immense, d’une foule d’élite, de tout âge, de tout sexe, de toute condition, de toute opinion, tous accourus pour vous voir et vous écouter, pour s’élever à Dieu ou s’incliner devant lui en goûtant le charme d’une voix très-humaine. M. Berryer vous avait promis, Monsieur, que vous deviendriez un éminent orateur de la chaire ; vous étiez cela, et tout autre chose encore ; vous étiez un missionnaire très-nouveau de la foi et de l’Église chrétienne. Vous aviez vécu d’abord loin de leurs foyers, livré au souffle de votre temps et de votre propre cœur. Vous aviez été ramené sous leur loi par vos plus nobles penchants. Vous tentiez d’y ramener aussi vos contemporains en épanchant librement devant eux toutes les idées, toutes les émotions, toutes les richesses de votre âme, et en touchant toutes les cordes de la leur. Prédicateur aussi varié et presque aussi agité que votre public ; orateur encore plein du monde dont vous veniez de sortir pour aller à Dieu, encore ému vous-même de cette multitude d’impressions troublées et flottantes auxquelles vous vouliez arracher vos auditeurs pour les reporter dans les régions sereines d’une foi ferme et d’une pieuse soumission. Parmi ceux qui vous écoutaient, quelques-uns se sont quelquefois étonnés, peut-être même inquiétés des élans imprévus de votre âme, des rapprochements et des contrastes étranges où