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tient à l’auteur, M. Caboche, le second prix de ce concours.

Un autre concours devait, sous un titre tout littéraire, amener plus de difficultés. C’est le prix de la fondation Bordin déjà décerné à la critique savante, à la traduction en vers, au récit historique, à tout ce que peut comprendre ce terme, un ouvrage de haute littérature. Ce n’était pas sans doute qu’une telle condition manquât dans le concours actuel, et que l’Académie n’eût reçu cette fois un important travail d’érudition et d’esprit, plein de curieuses recherches, de piquantes analyses, de hardis jugements, incomplet sur quelques points, excessif sur d’autres, œuvre inégale et forte d’un savant et d’un écrivain. Mais à cette œuvre, à l’Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, était attachée une erreur que le talent ne pouvait corriger, et dont parfois il aggravait la portée. C’est la doctrine qui n’explique le monde, la pensée, le génie que par les forces vives de la matière.

Toute opinion est libre sans doute. C’est le droit même de l’intelligence et la loi de notre temps. Mais toute opinion n’est pas égale aux yeux des autres, et n’a pas droit de se faire indifféremment accepter pour un honneur public. La liberté qu’on se donne, sur les questions qui touchent aux croyances les plus intimes des âmes, doit prévoir et tolérer la libre contradiction ; et la libre contradiction peut refuser son suffrage à l’œuvre habile et brillante dont elle juge le principe erroné.

Il était permis de vouloir, en marquant le dissentiment, honorer, dans quelques parties, la sagacité savante, l’abondance d’idées, la verve de langage qui se mêlaient à l’erreur principale. Mais il a paru que cette erreur, sans cesse et à tout propos reproduite, était trop inséparable du livre. Une redite