Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Satire en France au moyen âge, par M. Lenient, professeur de rhétorique au Lycée Napoléon.

L’ouvrage sur le chancelier d’Aguesseau répond de la manière la plus heureuse à l’objet du concours. C’est un bel exemple dans une haute fortune ; c’est, à toutes les époques d’une longue carrière, la peinture d’un grand homme de bien, formé par une sainte éducation de famille, savant magistrat dès la jeunesse, aussi respecté qu’aimable dans la vie privée, le modèle de toutes les vertus domestiques, capable aussi de grandes vertus publiques, digne et laborieux dans la retraite, autant qu’il avait été actif et scrupuleux dans le pouvoir.

Les traits dont l’auteur s’est servi pour décrire cette noble vie sont empruntés à de nombreux documents, quelques-uns inédits. Le récit est attachant, bien que parfois l’expression soit languissante ou négligée. On pourrait relever aussi, dans le jugement des choses politiques, un peu d’embarras et d’inexpérience, et quelquefois trop de rigueur en ce qui touche le chancelier lui-même. Mais l’intérêt de l’ouvrage est surtout moral. Que d’Aguesseau ait encouru de son temps quelque reproche de faiblesse, qu’il ait enfin cédé là où il avait résisté ; qu’il ait, par déférence ou même par honnête calcul, repris trop aisément ou trop longtemps gardé une place dans le ministère, ce sont des torts dont ne souffre pas aujourd’hui cette mémoire d’un grand jurisconsulte, et même d’un courageux magistrat, qui, dans l’autorité du Parlement de Paris, maintenait l’indépendance de la justice, et ne parut un moment se séparer de cette cause que pour la défendre encore et conserver une protection aux libertés du pays.

Dans le chancelier d’Aguesseau, la science profonde du