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Un jour Mme Navier, qui s’était fort fatiguée à soigner un enfant malade appartenant à une famille pauvre, vit entrer chez elle l’archevêque, M. Morlot, qui lui dit : « Je viens pour vous défendre de veiller les nuits ; vous devez vous ménager pour les vôtres et pour les pauvres. » Et il lui remit une médaille avec cordon rouge.

Mme Navier a été en rapport avec la mère des trois Scheffer, femme profondément respectable, qui a eu dans sa vie des moments douloureux. Nous avons tous admiré son portrait, où, sous le pinceau attendri d’un fiis, transpirait l’âme maternelle. Mme Navier avait directement connu Mme Scheffer dans l’une de ces circonstances intimes qui rapprochent. Il lui est arrivé plus tard de rencontrer Ary Scheffer chez le duc d’Elchingen. L’artiste se prit d’affection et de vénération pour l’humble grainetière. Lorsqu’il était malade, il lui demandait de venir le soigner : parfois, elle lui donnait des consolations (qui donc n’en a pas eu besoin ?) et même d’excellents conseils. Un jour, chez le duc d’Elchingen, Scheffer trouva un dessin très-bien fait qu’il crut d’abord du jeune Michel, fils du duc : on lui dit qu’il était du petit Gabriel Navier, fils de la grainetière. Scheffer étonné appela dans son atelier l’enfant qui marquait ces heureuses dispositions, lui dit de revenir tous les jours et en fit un peintre de mérite, qui tient aussi de la bonté de sa mère. Mme Navier a gardé pour Ary Scheffer une vénération profonde. Elle n’a jamais pensé à ce qui brille, et elle ne s’attendait certes pas que le nom de Scheffer ferait jamais épisode dans sa vie. Nous devons en tout ceci plus d’un détail précieux et sûr à l’obligeance de notre intègre et très-honoré confrère M. Dufaure.