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tenait lui-même à grand honneur de compter parmi les membres de votre illustre compagnie : car vous étiez à ses yeux les représentants des lettres françaises, et il voyait dans les lettres plus que l’épanouissement ingénieux des facultés de l’esprit. Il y voyait l’auxiliaire puissant de la cause à laquelle il avait dévoué sa vie, le flambeau de la vérité, l’épée de la justice, le bouclier généreux où se gravent les pensées qui ne meurent pas parce qu’elles servent tous les temps et tous les peuples. Sa jeunesse s’était formée à ces grandes leçons. Penché vers l’antiquité comme un fils vers sa mère, il avait entendu Démosthène défendre la liberté de la Grèce, et Cicéron plaider contre les desseins parricides de Catilina ; tous les deux victimes de leur éloquence et de leur patriotisme, le premier se donnant la mort par le poison pour échappera la vengeance d’un lieutenant d’Alexandre, le second tendant sa tête aux sicaires d’Antoine, cette tête que le peuple romain devait voir clouée sur la tribune aux harangues, pour y être une image éternelle de la crainte qu’inspire aux tyrans la parole de l’homme sur les lèvres de l’orateur. Il avait entendu Platon dicter dans sa République les lois idéales de la société, déclarer que la justice en est le premier fondement, que le pouvoir y est institué pour le bien de tous et non dans l’intérêt de ceux qui gouvernent, qu’il appartient par la nature des choses aux plus éclairés et aux plus vertueux, et que tous ceux qui l’exercent en sont responsables ; que les citoyens sont frères ; qu’ils doivent être élevés par les plus sages de la république dans le respect des lois, l’amour de la vertu et la crainte des dieux ; que la paix entre les nations est le devoir de toutes et l’honneur de celles qui ne tirent l’épée qu’à regret, pour la défense du droit. Il avait