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prenaient pas mieux soin de la pudeur publique en ne permettant à aucune main, pas même à celle du juge, de soulever le voile qui couvrait leurs plaies.

Loin de nous, Messieurs, ces regrets pusillanimes ! Cette publicité qui nous envahit, si c’est le danger et l’abus des sociétés comme la nôtre, c’est aussi leur défense et leur honneur. Dans les jours où la liberté est en péril, c’est la dernière garantie du droit ; en tout temps, c’est le signe de la maturité d’un peuple qui ne craint pas de se connaître et même de se montrer tel qu’il est, parce qu’il se sent en état comme en devoir de se conduire et, s’il le faut, de se corriger par lui-même. C’est la robe virile dont il ne saurait se dépouiller sans retomber dans une seconde enfance qui n’aurait ni les grâces ni l’innocence de la première. Mais si la publicité nous est chère, malgré les tristes aveux qu’elle nous arrache, ce n’est pas une raison pourtant pour leur en laisser toujours le privilège, et ce n’est pas beaucoup demander qu’un jour, un jour par année, pour opposer à la bruyante et quotidienne publicité du mal la modeste publicité du bien. Faisons de nos péchés confession et pénitence publiques, j’y consens ; mais que notre voix s’élève aussi pour rendre grâces à Dieu des actes qui honorent le temps et le pays où il nous a fait naître. Ce sera, je le veux bien, quelque chose comme la prière orgueilleuse du Pharisien de l’Évangile ; qu’importe ? les sociétés ne sont pas tenues à l’humilité aussi rigoureusement que les hommes. Au fond, c’est là le vrai et surtout le seul remède possible aux maux de la publicité : ce n’est pas de l’étouffer, c’est de l’étendre. Le scandale n’est que l’ombre qui se traîne derrière les corps tant que le soleil ne les touche que d’un rayon oblique. Que le jour grandisse et éclaire