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mépris est essentiellement stérile[1]. » Certes le mal est grand dans notre pays ; mais, si l’on promène un regard attentif sur toutes ses faces, que le bien y apparaît souvent ! et qu’il est merveilleux dans ses efforts pour faire l’équilibre aux forces du mal ! Si l’on fouille les fondations mystérieuses et les recoins oubliés de notre édifice social, quels prodiges de puissance et de grandeur morale s’entrouvrent devant nous ! Dans ces nombreuses armées du travail, comme dans celles qui, toujours précédées de nos missionnaires et de nos martyrs, portent sur des plages lointaines le drapeau dela France ; dans toutes les professions diversement laborieuses, depuis le pauvre étudiant qui prélude par tant de vaillants efforts et de si dures privations à des triomphes futurs, jusqu’à l’ouvrière restée pure et honnête malgré les tentations de la misère ; quels miracles de renoncement et de patience, de sang-froid et d’humanité, de sympathie et de dignité ! que de longs et rudes apprentissages d’une vie meilleure ! que de cœurs droits et fermes dont les généreux battements défient tous les orages et toutes les langueurs d’ici-bas ! Sans doute l’observateur rencontre, dans notre France, comme partout en ce monde, plus de souffrances que de joies ; mais aussi, tout bien considéré, il y découvre plus de vertus que de vices. Et c’est par telle racine inconnue et dédaignée, sous les profondeurs des dernières couches humaines, que monte vers le sommet de notre société découronnée par les orages, la sève de la vertu et de l’honneur. Nous avons mis à nu aujourd’hui même tel filon inaperçu qui révèle l’inépui-

  1. Le Père Lacordaire, Lettre du 21 décembre 1839.