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toutes ses chances d’avenir personnel et s’est condamné au plus rude dénûment pour faire vivre son père, sa mère, sa sœur et ses quatre neveux, a obtenu l’une de ces médailles, sollicitée comme un honneur pour toute la colonie.

Dans la haute Savoie, une pieuse fille, Mlle Virginie Vacherand, a consacré les épargnes de vingt ans de services comme domestique et le prix d’un petit patrimoine à nourrir, à instruire de jeunes filles abandonnées. Pour créer des ressources à cet asile, commencé d’abord dans sa propre chambre avec deux pauvres idiotes, elle n’a reculé devant aucune privation et aucune fatigue, affrontant la mendicité même et les outrages auxquels elle expose. Aujourd’hui vingt-quatre enfants reçoivent ses soins. Grâce à sa persévérance, elle est parvenue à intéresser à son œuvre d’autres personnes charitables, et la courageuse servante a doté l’excellente population de ces montagnes d’une maison de refuge pour les orphelins. Les récits qui nous transmettent les titres de cette sainte fille nous ont rappelé les légendes les plus touchantes du moyen âge.

Quand on parcourt avec une émotion recueillie ces naïves annales de la vertu qui nous sont ainsi transmises chaque année de tous les points de la France, on est porté à se demander quel est, parmi tant de diversités d’éducation et de caractère, le mobile commun à ces belles âmes qui ont toutes un même mérite : celui d’avoir fait le bien sans chercher le regard et la reconnaissance des hommes. Je crois, sans doute, dans la nature humaine, à des vertus comme à des vices originels, à de nobles instincts qui nous ont été donnés avec l’âme elle-même, et qui se développent sans que Dieu ait besoin de retoucher son œuvre par de nouvelles grâces. Mais