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a dans sa propre chambre à coucher quatre ou cinq enfants à peine âgés de quelques semaines, pour lesquels elle se lève chaque nuit plusieurs fois, et qui sont remplacés par d’autres, dès que les premiers sont assez grands pour passer dans une chambre voisine sous la garde d’autres enfants déjà formés par elle et qui lui restent fidèlement dévoués. Non-seulement elle consacre à une œuvre si pénible ses jours, ses nuits, la petite pension dont elle jouit, mais encore le petit capital qu’elle avait économisé, sans aucune précaution ni réserve pour la vieillesse à laquelle elle touche… »

L’Académie retrouve ici les vertus qu’elle se plaît le plus à couronner, non l’impulsion momentanée d’un sentiment généreux, mais une persistance laborieuse dans une bonne inspiration, mais cette opiniâtreté dans le bien qui triomphe de tous les obstacles et ôte à la faiblesse même tout prétexte de ne pas l’imiter. Elle a jugé Mlle Portz digne d’un prix de 3,000 francs, qui tournera, nous n’en doutons pas, au profit de l’orphelinat qu’elle a créé.

Pour rappeler les titres de Marie Chauvin à la distinction que l’Académie lui accorde, je laisserai parler notre confrère M. Gustave de Beaumont, dont le témoignage a beaucoup contribué à éclairer notre délibération.

« Un trait touchant de haute vertu s’est produit vers le milieu de l’année dernière, dans la petite commune de Beaumont-la-Chartre (Sarthe), et y a causé un sentiment général d’admiration et de respect. Une pauvre et vieille femme, Marie Chauvin, voyant le désespoir d’une famille à laquelle le recrutement allait enlever son principal soutien, a, sans calcul, sans réserve, donné à ces pauvres gens 2,000 francs, c’est-à-dire l’épargne amassée pour ses vieux jours, et le