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en paix dans une liberté sans péril. Mais, désespérant d’élever leurs instincts et de ranimer leur raison, il se désolait de ne leur sauver que la vie ; lorsqu’un soir, pendant qu’on chantait un cantique, il surprit sur les lèvres d’une pauvre idiote un son inarticulé mais harmonique. Il conçut aussitôt l’idée que la musique réussirait peut-être à faire ce que n’avait pu faire la parole, et il entreprit de rendre l’enfant sensible aux accords de l’harmonium. L’expérience n’échoua pas. Cette âme engourdie sembla s’éveiller à ces sons réguliers. Bientôt ils furent répétés avec effort ; des syllabes, des mots se firent entendre ; en même temps la santé se raffermit ; l’âme prit le dessus avec la vie. Après deux ans, l’idiote avait disparu ; ce n’était plus qu’un enfant tardivement développé. M. Bost ne pouvait s’en tenir à ce premier succès, et il résolut de généraliser l’expérience. Alors il se rappela ces mots de l’Évangile de saint Jean :

« Il y a à Jérusalem, près de la porte des Brebis, la piscine qui est nommée en hébreu Bethesda. Elle avait cinq portiques dans lesquels étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux, de ceux dont les membres sont desséchés, qui tous attendaient le mouvement de l’eau. Car un ange du Seigneur descendait en certain temps dans cette piscine et remuait l’eau[1]. »

Peut-être ne faut-il que construire la piscine, et la main divine remuera l’eau salutaire que la charité y aura versée. C’est animé par cette espérance que M. Bost part pour se

  1. Jean, V, 2-4. Les traductions ordinaires disent Bethsaïda (maison de pêche). Bethesda, qui se lit dans le texte, est un mot syriaque qui signifie maison de charité.