Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle est justement jalouse, indique assez dans quelle pensée il lui a été donné mission de récompenser ceux qui servent la cause du bien par leurs actions ou leurs écrits. L’Académie a été jugée l’autorité la plus propre à divulguer le mérite, à révéler pour l’exemple ce qui est louable et ignoré, à réparer sur quelques points cette injustice apparente que l’obscurité fait à la vertu.

Ce n’est pas que, nous prévalant de l’ambitieuse devise attribuée à nos devanciers, nous osions nous regarder comme les dispensateurs de la renommée. À peine nous serait-il permis de dire que nous cherchons la gloire, nous n’en disposons pas. C’est le monde qui dispose de la gloire. À défaut, nous donnons la publicité.

Mais la gloire elle-même est-elle nécessaire à la vertu ? Dirons-nous avec un ancien qui les a toutes aimées : « Le meilleur est le plus sensible à la gloire[1] ? » L’antiquité le croyait ainsi ; elle était plus fière de cette vie, elle avait plus haute opinion que les temps modernes des choses de l’humanité. Elle ne se piquait pas du détachement d’une subtile humilité, et faisait trop grand cas de l’admiration des hommes pour recommander l’affectation de la modestie. On pense autrement aujourd’hui, ou du moins on parle un autre langage. Il est convenu que ce qui mérite la louange doit la fuir ; en la recherchant il faut s’en défendre, et nous sommes obligés de venir ici chaque année nous justifier de la sorte de violence qu’on nous accuse de faire à la vertu, en amenant au grand jour le bien qu’elle accomplit dans l’ombre, et en décelant les bonnes œuvres qu’elle a cachées.

  1. Optimus quisque maxime gloria ducitur. Cicéron.