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tribune, ont rencontré et estimé en vous ou un allié, ou un adversaire, mais toujours le plus digne émule, par l’intelligence et l’amour du vrai, du juste, de l’utile, par l’art souverain d’en assurer le triomphe dans l’esprit des hommes.

Cet art, qui a ses règles générales et ses traditions consacrées, reçoit de la variété des esprits et des conjonctures les formes les plus diverses. Tantôt par de soudaines et franches saillies, dont s’anime la simplicité unie d’une exposition presque familière, il donne un tour piquant aux notions du bon sens, aux décisions de l’équité et du droit, aux conseils de la sagesse pratique : tantôt il se développe avec ampleur et véhémence, il s’épanche comme à grands flots, dans une action toute-puissante sur la sensibilité et qui partage les émotions qu’elle excite : d’autres fois, par un déplacement hardi de la discussion, il transporte les questions particulières dans la sphère élevée des idées générales, où, séparées de tout alliage vulgaire, elles s’agrandissent et trouvent d’imposantes solutions : d’autres fois aussi, s’engageant dans le détail des affaires, il en démêle avec aisance la complication, et à force d’ordre, de justesse, de clarté, par des traits vifs et spirituels qui les éclairent d’un jour inattendu, il les rend accessibles et attrayantes pour les intelligences charmées : des armes de toutes sortes sont à son usage ; ici une dialectique déliée et pressante, qui poursuit victorieusement, de position en position, pour ainsi dire, jusque dans ses derniers retranchements, la conviction rebelle ; et là les mouvements impétueux, les heureuses violences d’une parole généreusement irritée : il lui arrive de se plaire et de nous retenir dans ces régions où l’éloquence confine à la poésie et lui emprunte la richesse des développements, l’éclat des couleurs. Toutes ces