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selon vous à l’établissement de la monarchie française. Vous m’entraînez ici, Monsieur, sur un terrain brûlant, et je tiens beaucoup à ne pas être confondu parmi les athées que vient de foudroyer votre éloquence. Mais, comme vous me forcez de louer le talent avec lequel vous développez vos idées, je crains qu’on ne m’accuse de les partager, et il m’est impossible de ne pas en décliner la solidarité.

En écrivant ce chapitre, vous avez seulement regardé autour de vous ; vous avez vu dans le clergé du siècle une piété sincère, une charité ardente, l’amour de la discipline, le respect de la loi civile, de l’autorité temporelle, et vous avez oublié ce qu’il a été dans les dix premiers siècles de la monarchie. Ses évêques ont sans doute puissamment contribué à l’avènement des trois dynasties. Mais est-ce bien l’esprit religieux qui les animait ? L’histoire n’accuse-t-elle pas leur esprit de domination ? Cinquante ans après Clovis, Chilpéric ne se plaignaît-il point que les prélats étaient devenus (les rois ? « Notre gloire diminue, disait-il, nos honneurs et nos richesses sont transférés aux évêques. » N’ont-ils pas en effet travaillé sans relâche à renfermer l’État dans l’Église : et ce but ne fut-il pas atteint quand la race mérovingienne eut passé de l’état de barbarie à sa période d’imbécillité ? Établit-on une monarchie quand on en fait une province de l’Église ? Affermit-on une royauté en dégradant les rois dans la personne du Débonnaire, en se partageant, comme les seigneurs, entre les factions qui troublent le règne de Charles le Chauve et de ses descendants, en frappant d’anathème trois têtes capétiennes, en lançant sur le royaume des interdits qui provoquent fatalement à l’insurrection, en refusant l’oriflamme à Philippe-Auguste dans ses luttes