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l’empire[1] ? Toutes ces questions s’éclaircissent pour nous, à mesure que nous vous lisons. Triomphante sous Constantin, l’Église chrétienne prend, pendant sa puissance, les deux défauts qui préparent sa défaite sous Julien. Elle se divise par l’hérésie, elle s’abaisse par la servilité. Elle a des hérésiarques et des courtisans, et ce sont souvent les mêmes personnes. L’arianisme, en effet, comprend bien vite que la meilleure manière de nier la divinité du Fils, c’est d’adorer la divinité de l’empereur. Il discrédite l’Église chrétienne par ses complaisances plus encore qu’il ne la trouble par ses subtilités. Quand le monde crut voir que la foi chrétienne ne garantissait pas plus que le paganisme la liberté des âmes et la fermeté des caractères, il s’étonna, il s’inquiéta, et la répugnance du présent lui fit peu à peu excuser le passé. Julien arriva dans ce mouvement des esprits. Élevé par contrainte dans la foi chrétienne, il s’était tourné vers l’ancien culte comme vers la liberté et vers la poésie. Ayant en lui plus du caractère de Constantin qu’il ne le pensait et n’ayant pas son génie politique, il voulut, comme Constantin, avoir une religion et une théologie qui lui appartinssent ; l’indifférence instinctive de la foule se prêta sans effort à l’enthousiasme pédantesque de l’empereur ; et pendant quelque temps les dieux régnèrent. L’Église trahie alla se réfugier avec Athanase dans le désert ; elle y emporta la foi et la liberté ; et elle s’y fortifia par les austérités de la Thébaide, jusqu’à ce qu’enfin le paganisme, qui avait semblé possible

  1. Perfidus ille Deo, sed non et perfidus urbi.
     Saint Prudence, Hist. de l’Église et de l’Empire, t. V, p. 441