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tout ce qu’il a souffert pour mériter cette faveur si rare d’une transformation et d’une veine ravivée. Déchirant témoignage et plus irrécusable dans sa courte simplicité que cette prière même l’Espoir en Dieu ! Tout le monde a lu avec émotion ce sonnet trouvé à côté de son lit après une nuit de douleur, et qui s’est gravé dans la mémoire de ses amis comme un testament. Son effusion dernière, c’est une pensée religieuse et une larme :

 
J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaîté ;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j’ai connu la vérité,
J’ai cru que c’était une amie ;
Quand je l’ai comprise et sentie,
J’en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d’elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré.


Ainsi, dans sa première effervescence, ce libre et charmant esprit a choisi pour son domaine la fantaisie et la passion ; il a raillé, du fond de sa voluptueuse indifférence, tous les enthousiasmes sévères ; il est entré dans la poésie avec toutes les grâces hardies, avec toute l’impétuosité de l’adolescence. Un prompt succès l’encourage dans sa voie. Et le voilà qui, malgré tout, par la seule pente de sa noble nature, il