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heureux âge ; elle est jeune par cet éclat de la nature et de la vie qui semble mettre certains esprits comme certains visages à l’abri du temps, et donne à chaque imperfection le charme séduisant d’une promesse. Malgré l’art, quelquefois très recherché, de son style, c’est à la verve entraînante qu’on le reconnaît. Ses vers ne semblent pas composés, mais trouvés ; on dirait qu’ils sont tombés dans sa main comme des médailles toutes frappées et tirées pour lui seul des plus rares trésors de l’imagination et du langage.

De plus en plus variée et maîtresse d’elle-même, cette inspiration si neuve et si vive de l’auteur de Rolla se continuait dans une suite de Comédies et de Nouvelles en prose, où l’on retrouve tous les mérites de sa poésie. C’était pendant les années où le roman jetait son éclat le plus littéraire et pouvait tenter les esprits délicats ; Alfred de Musset écrivit alors la Confession d’un Enfant du siècle.

Quelle est cette maladie si impitoyable et si franchement décrite ? Est-ce l’exubérance de la passion acharnée à son faux idéal ? est-ce la plaie profonde laissée par la passion satisfaite ? c’est plus que tout cela, peut-être ; c’est l’absence du principe de vie qui pourrait cicatriser la blessure. Que le héros du livre, en dehors de lui-même, eut trouvé un idéal, un principe, une occasion de dévouement, et il était sauvé ; et cette confession trop sincère de notre siècle nous aurait peint le mal de façon à le guérir et sans aucun risque de le propager.

La littérature de notre temps est-elle, comme on a voulu le dire, la cause des misères de l’âme qu’elle atteste ? Je ne saurais le croire : avec le Génie du christianisme, avec les Méditations, avec René lui-même, le siècle avait mieux