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au moins de surmonter. Et voilà qu’en pleine renaissance du spiritualisme on admettait cette humiliante doctrine : que l’homme n’est jamais plus grand, plus fort, plus digne d’envie qu’à l’heure où la passion le subjugue, où la violence des instincts étouffe en lui la volonté et la raison !

Pour s’affranchir d’une pareille école et pour grandir à la fois par l’invention et le sens moral, M. de Musset n’avait qu’à consulter sincèrement sa propre inspiration. Il en donnait la preuve à chaque nouvel écrit, et dès son second livre, le Spectacle dans un fauteuil ; le sentiment y devient plus pur, l’originalité plus vraie. Sur le souple canevas de ces poèmes, la Coupe et les Lèvres, A quoi récent les jeunes files, Namouna, comme il a prodigué les richesses de la fantaisie ! Quelques pages sur Don Juan s’emparèrent de toutes les mémoires. L’âme de l’auteur s’y jette tout entière. A ses yeux complaisants, c’est la possession de l’idéal, c’est l’infini que poursuit don Juan à travers ses mobiles amours. Ne discutons pas avec le poète ; livrons-nous au charme de ses vers. En est-il dans notre langue qui jaillissent avec plus de verve, qui nous entraînent plus vivement dans leur mélodie ?

Elle éclate plus vigoureuse encore, cette inspiration si originale, dans l’étrange et splendide création de Rolla. Le lecteur se croirait d’abord introduit dans un temple où chantent des voix harmonieuses, où fume par intervalles un pur encens, dont les murailles sont couvertes de nobles et délicates peintures. Ce théâtre magnifique, il est destiné sans doute à quelqu’un des grands drames de la vie morale ou de l’histoire ? Mais l’action commence, et vous en détournez