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piquante à l’imagination ravivée, et l’on pouvait se demander qui l’emporterait chez l’écrivain ou des souvenirs de Voltaire, ou des récentes impressions des Orientales.

Pourquoi ce désir légitime d’attester sa liberté ne le préserva-t-il pas de certaines influences du temps ? Si neufs dans tout ce qui relève du talent de l’artiste, ses premiers poëmes appartiennent trop, par le fond moral, à des inspirations étrangères à son esprit délicat.

Dans ce mouvement littéraire où M. de Musset venait de se produire, en affectant de s’en détacher, on subissait bien des impulsions différentes. Tout n’y dérivait pas de cette source élevée, religieuse, qui remonte au Génie du christianisme, au livre de l’Allemagne et aux Méditations. Certains esprits avaient rêvé d’imposer au style des formes exclusivement propres a frapper les sens. Dans tous les arts on prônait déjà l’excès des couleurs, la réalité grossière. Réaction excessive contre le langage décoloré de l’époque précédente ! Le matérialisme allait y trouver sa vengeance ; à peine aboli par le raisonnement, il tendait à renaître par l’imagination. Dans le domaine du cœur une revanche toute pareille lui était réservée. Les peintures froidement licencieuses avaient disparu de notre littérature régénérée ; on les y lit rentrer sous le voile de la passion. La passion sans frein obtint vite un culte exclusif comme celui de la couleur : on proclama sa nécessité, je dirais presque sa sainteté ; on ne lui demanda plus que de se légitimer par sa violence.

Ils reposaient sur le sentiment de la liberté morale ces nobles tableaux que Corneille et Racine nous ont présentés de la nature humaine. La passion y apparaît comme une force parfois victorieuse, mais que le devoir, la raison, l’honneur, essayent