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et, le croirait-on ? avec un grand prix de philosophie.

Dans la mêlée littéraire, alors si ardente, quelques salons intelligents s’ouvrirent à la précocité merveilleuse du jeune lauréat. Il avait abordé les écoles : le droit le rebuta bien vite ; la médecine l’avait un moment captivé. Mais il a trop bien décrit le besoin de l’indépendance pour ne l’avoir pas éprouvé, et pour se plier à devenir autre chose que ce qu’il était par nature et par excellence, un poëte. Dès 1829, âgé de dix-huit ans, il lisait dans le salon de son père, où se réunissaient plusieurs écrivains célèbres, ses Contes d’Espagne et d’Italie, qui, publiés au commencement de l’année suivante, devaient si bien surprendre et dérouter la critique.

C’était le moment de la plus grande ferveur de ces querelles littéraires où l’on se précipitait comme à une croisade ; souvenir qui peut étonner aujourd’hui, mais qui reste cher, je le sais, à ceux qui prirent part, même de loin, à ces luttes si animées. Là, au moins, à travers quelques utopies, avec un peu d’étourderie et de présomption peut-être, s’agitaient les grandes questions de l’art ; mille problèmes nobles et délicats passionnaient des âmes croyantes et désintéressées.

Si j’évoque ainsi des années dont nous sommes plus loin encore par les idées que par le temps, vous le pardonnerez à un disciple qui ne saurait oublier ses maîtres, et qui sentait alors s’éveiller en lui des ambitions qu’aujourd’hui, du moins, il peut croire légitimes. Et d’ailleurs ce deuil d’Alfred de Musset est le premier de sa génération qui se mène devant vous. Ne dois-je pas honorer avec le poëte ceux qui ont rendu sa gloire plus facile en renouvelant l’esprit littéraire et le goût de la poésie ?

Quand parut Alfred de Musset, les lettres présentaient