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trouver dans de beaux vers des auxiliaires contre toute espèce d’enthousiasme.

Ses œuvres sont partout ; elles reçoivent à la fois des admirations qui semblent s’exclure. Dans le monde où la passion s’enveloppe de tant de voiles, on ne se cache pas de les ouvrir, ces pages si passionnées. Cette poésie délicate, la licence vulgaire s’en empare quelquefois, et l’insouciante volupté s’y regarde comme dans un miroir. Au milieu des folles joies et des réunions bruyantes, comme dans le solitude et la rêverie, la jeunesse trouve à cette lecture une indicible saveur. Les sceptiques lui pardonnent ses accès de croyance et jusqu’aux sanglantes apostrophes de Rolla ; les croyants l’excusent en faveur de ses larmes ; aucun parti ne songe à lui faire un crime de son indifférence politique. Séduits par tant de vers amis de la raison et de la mémoire, les juges les plus difficiles ont retenu mille traits de son inspiration. Ils aimaient à dire devant ses premières pages, et l’on répète encore devant son œuvre achevée : Ses beautés franches et soudaines sont bien à lui ; ses imperfections sont la part du temps où il a vécu.

Alfred de Musset est né le 11 décembre 1810, à Paris, la ville mère des poètes les mieux armés d’ironie. Sa famille, d’une ancienne noblesse, avait déjà conquis la noblesse littéraire. Son père a laissé sur Jean-Jacques Rousseau un livre solide, où l’admiration la plus ardente n’altère en rien la conscience et la sagacité. On a de son grand-père maternel, M. Guyot des Herbiers, quelques vers d’une gaieté brillante. On les dirait écrits la veille de Mardoche et presque de la même main. Le petit-fils aurait pu les avouer en pleine révolution poétique, lorsqu’en 1827 il sortait du collège déjà poëte,