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discours de m. mérimée.

de destituer. Puis, dans la même ville, il fut directeur d’un journal, le Télégraphe illyrien, qui se publiait en quatre langues parlées dans la Carniole, le français, l’italien, l’allemand et le slave. Il y inséra de nombreux articles de science et de littérature, cependant qu’il étudiait avec soin les mœurs originales d’une contrée où plus tard il plaça la scène de quelques-unes de ses compositions.

À son retour en France, après l’abandon des provinces Illyriennes, il prit part à la rédaction du Journal de l’Empire. M. Geoffroy, atteint de la maladie à laquelle il succomba, avait lu quelques articles manuscrits de M. Nodier ; ils lui plurent, et, si je suis bien informé, il consentit, dans l’intérêt du journal, à leur donner le patronage de son nom. Le public les goûta. Geoffroy rajeunit, disait-on. Quelques jours après, le célèbre critique n’était plus, et le nom de Nodier, obscur encore, ne trouva pas la même faveur. Homme nouveau, il eut à subir les dégoûts qui attendent toujours le talent à ses premiers efforts pour se produire.

M. Nodier s’était cru, de bonne foi, l’une des victimes du despotisme impérial. Après la déchéance de l’empereur, il avait inévitablement sa place marquée dans un parti avec lequel il n’avait jamais cessé d’entretenir de nombreuses amitiés. À cette fois seulement il se départit de sa règle de conduite qui l’attachait aux vaincus. Les vainqueurs, il est vrai, étaient bien faibles encore, en butte à mille dangers, chargés de la responsabilité de nos désastres par l’orgueil national, impitoyable comme la fortune. Jeté dans la politique sans trop s’expliquer comment, M. Nodier défendit de sa plume les opinions qu’il professait, ou plutôt le parti qui s’était emparé de lui. Dans la suite, il fallut tout le talent du roman-

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