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discours de m. mérimée.

tion naturelles à son âge. Au sortir du collége, il avait inventé une langue, qu’il appelait catholique, et il ne désespérait pas de lui voir un jour mériter ce nom par son universalité. L’excellent M. Weiss, confident de toutes ses pensées, et qui plaidait toujours auprès de lui la cause de la raison, l’arrêta par bonheur dès le commencement de son dictionnaire. – « J’apprendrai volontiers ta langue, lui dit-il, mais traduis-moi d’abord Corneille, Molière et Racine. » La difficulté découragea le novateur, et il laissa la langue catholique pour une autre qui avait déjà conquis l’Europe, la langue française.

Son premier essai fut un mémoire scientifique. Une série d’observations ingénieuses l’avait conduit à penser que l’organe de l’ouïe, chez les insectes, résidait dans leurs antennes. Vers 1798, il publia sur ce sujet quelques pages qui attirèrent l’attention des naturalistes. J’ignore quelle est aujourd’hui la valeur de ce système dans la science moderne ; je remarquerai seulement qu’il eut assez de succès pour trouver dans la suite de doctes usurpateurs ; M. Nodier fut contraint de réclamer la priorité de sa découverte, et d’en donner des preuves irrécusables.

L’âge et les relations de collége, ordinaire école d’opposition, avaient depuis longtemps fait justice de ces opinions démagogiques si ridiculement soufflées à son enfance. À dix-huit ans, oubliant ses succès parmi les Amis de la Constitution, il s’amusait à tourner en ridicule les sociétés populaires. À cette époque, en 1799, c’était encore un divertissement dangereux. Il faillit le payer cher. Quelques étudiants s’étant avisés de parodier, sur la place de Granvelle, une séance d’un club républicain, M. Nodier se distingua dans cette parade et fut un des orateurs les plus applaudis. La