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discours de réception.

ment, la sienne se borna au costume de son modèle. Le plus beau jour de sa vie, s’il faut l’en croire, fut celui où son père lui donna un habit bleu et des culottes jaunes, uniforme alors obligé de quiconque se croyait un cœur sensible et des passions indomptables.

En quittant l’école centrale, Charles Nodier, à peine âgé de 17 ans, fut nommé bibliothécaire adjoint de Besançon. Il devait ce titre à la variété de ses connaissances, surtout à l’immensité de ses lectures, dirigées d’ailleurs par une méthode étrange. Il choisissait les livres, les uns, tels que Werther, parce qu’ils étaient à la mode, les autres, tels que le Cymbalum mundi, et maint conte du XVIe siècle, par un motif contraire, parce qu’il les avait exhumés lui-même de la poussière des bibliothèques. Quelque variés que fussent alors ses goûts littéraires, ses préférences étaient toujours acquises à l’originalité, qu’il ne distinguait pas assez encore de la bizarrerie. De Shakspeare nous l’avons vu passer à Goëthe, et la traduction du théâtre allemand de Bonneville acheva d’exciter en lui une passion enthousiaste pour la littérature germanique. Outre le mérite de quelques-uns de ses écrivains, elle présentait encore à un très-jeune homme cet attrait particulier, qu’elle portait sa poétique avec elle, neuve alors et d’une application facile. Chez les Allemands, en effet, les systèmes précèdent les œuvres d’art, et l’imagination d’ordinaire s’emploie à compléter les théories par des exemples.

Ce goût pour les littératures étrangères obligea le jeune enthousiaste d’étudier plusieurs langues modernes, et bientôt il se prit à méditer sur la grammaire générale. D’abord ses travaux se ressentirent de l’inexpérience et de la présomp-