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discours de m. mérimée.

plus violentes. M. Nodier père appartenait au parti de la bourgeoisie qui allait triompher. D’un naturel doux jusqu’à la faiblesse, il était devenu républicain avec l’enthousiasme et l’inexpérience d’un homme de lettres. En 1790, il fut nommé maire constitutionnel de Besançon, et, l’année suivante, président du tribunal criminel : fonctions terribles qu’il accepta sans les connaître, et qu’il n’eut pas le courage d’abdiquer quand il les eut comprises.

Associé à toutes les pensées de son père, vivant au milieu d’un cercle d’hommes instruits, que charmaient son intelligence et sa vivacité, traité par eux comme un égal, Charles Nodier admettait toutes les théories nouvelles avec la candeur de son âge. À douze ans, il haïssait la tyrannie comme un Caton d’Utique ; il discourait sur les droits du peuple comme l’un des Gracques. C’était ainsi qu’on lui faisait repasser son histoire romaine. Malgré son âge, par une exception singulière, il fut élu, en 1792, membre d’une des plus fougueuses sociétés populaires, celle des Amis de la Constitution, qui venait de s’établir dans sa ville natale. J’ai retrouvé son discours de réception, qui fut imprimé alors, et ce n’est pas sans surprise que je l’ai lu, il y a quelques mois. Ma surprise, vous le pensez bien, Messieurs, ne fut pas à voir un enfant de douze ans donner des conseils à la nation, au Roi, à Dieu même. Mais, ce qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans une œuvre semblable, c’est un style travaillé, de l’art dans le choix et l’agencement des mots, une entente de la période, enfin une manière d’écrire où déjà se devine l’auteur original, qui devait, quarante ans plus tard, prendre place parmi vous.

La Société des Amis de la Constitution donna bientôt