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même manière à son activité, possèdent les mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs. Ni la religion qu’ils professent, ni la langue qu’ils parlent, ni la race à laquelle ils appartiennent n’établissent de distinctions entre eux. C’est là ce que Napoléon Ier exprimait d’une manière frappante quand il disait que la France n’a pas de nationalité, entendant ainsi que tous ses habitants, quelle que fût la variété de leurs origines ou de leurs dialectes, étaient également réputés Français. Mais, dès lors, une nation n’est pas seulement un être politique, elle est encore un être spirituel. Si son unité ne provient ni de la race ni de la langue, elle ne peut consister, en effet, que dans la conscience, ou, si l’on veut, dans le sentiment d’une même existence collective, résultant de l’accord des volontés et de la communauté des droits. Allons plus loin encore, et nous ajouterons que cette conception de la nation est essentiellement humaine. Par cela même qu’elle envisage le groupement national comme une société de citoyens, elle n’y introduit, si l’on peut ainsi dire, aucun élément irréductible à l’égard des autres groupements nationaux. Entre l’Angleterre, la France ou l’Italie, le caractère des populations, le genre de vie, les intérêts, les institutions ont beau différer et parfois se heurter. Qu’importe ? Il reste que chacun de ces peuples est capable de comprendre ses voisins, et, quand il le faudra, de collaborer avec eux, puisque chacun soumet sa vie politique à des principes qu’il considère comme valables non seulement pour lui, mais pour tous les hommes. On peut dire qu’il subsiste dans l’idée de nation ainsi comprise, quelque chose du généreux cosmopolitisme du XVIIIe siècle.

Mais à cette idée, qui est celle de l’Europe occidentale, s’en oppose une autre : l’allemande.

Elle se dégage à la fin du XVIIIe siècle sous l’influence de la réaction sentimentale provoquée au delà du Rhin par l’hégémonie française. Au lieu de reconnaître dans la nation une association volontaire, elle la conçoit comme un phénomène