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la même façon que l’Ecriture ſainte, en introduiſant des fleuves ſous des figures humaines, n’a point eu intention de parler de ceux que les Païens adoroient, & que pouvant s’expliquer naturellement & ſimplement, elle s’eſt néanmoins ſervie d’un ſtile figuré, ſans crainte de ſéduire les Fidéles : tout de même auſſi, le Peintre Chrétien, qui doit imiter l’Ecriture, eſt fort éloigné de vouloir altérer la vérité de l’Hiſtoire, il veut au contraire, en ſe conformant à ſon Original, la faire entendre plus vivement & plus élégamment, non à un Infidéle, mais à un Chrétien comme luy, qui étant prévenu contre les fauſſes divinitez, ne doit point chercher d’autre ſens que celuy de la ſainte Ecriture.

Mais à l’égard des divinitez Païennes qui ſont introduites comme telles, & avec les caractéres qui les font connoître, il y a plus de difficulté à les admettre dans les Compoſitions. De Savans hommes ont agité cette matiére par rapport à la Poëſie, & le Procés en eſt encore à juger. Mais le Peintre, qui n’a pas d’autre langage pour s’exprimer que ces ſortes de figures, bien loin d’être blâmé de s’en ſervir, ſera toûjours applaudi des Savans qui les verront ingénieuſement & prudemment employées.