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ment l’Hiſtoire, du moins ſpéculativement & en général. Et s’il ne termine pas tous les objets en particulier qui compoſent ſon Tableau, ou qui accompagnent ſon Païſage, il eſt obligé du moins d’en ſpécifier vivement le goût & le caractére, & de donner d’autant plus d’eſprit à ſon Ouvrage qu’il ſera moins fini.

Je ne prétens pas néanmoins exclure de ce talent l’éxactitude du travail, au contraire, plus il ſera recherché, & plus il ſera précieux. Mais quelque terminé que ſoit un Païſage, ſi la comparaiſon des objets ne les fait valoir, & ne conſerve leur caractére, ſi les ſites n’y ſont bien choiſis, ou n’y ſont ſupléez par une belle intelligence du Clair-obſcur, ſi les touches n’y ſont ſpirituelles, ſi l’on ne rend les lieux animez par des Figures, par des Animaux, ou par d’autres objets, qui ſont pour l’ordinaire en mouvement, & ſi l’on ne joint au bon Goût de Couleur & aux ſenſations extraordinaires la vérité & la naïveté de la Nature, le Tableau n’aura jamais d’entrée dans l’eſtime, non plus que dans le Cabinet des véritables Connoiſſeurs.