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conſervé ſur la foy d’autruy, ou ſur l’autorité des Auteurs cette prémiére Idée qu’ils ont reçûë ; ſavoir, que toute la perfection de la Peinture étoit dans les Ouvrages de Raphaël.

Les Peintres Romains ſont auſſi demeurez la plûpart dans cette opinion, & l’ont inſinuée aux Etrangers, ou par l’amour de leur païs, ou par la négligence pour le Coloris qu’ils n’ont jamais bien connu, ou par la préférence qu’ils donnérent aux autres parties de la Peinture, leſquelles étant en grand nombre les occupent le reſte de leur vie.

On ne s’étoit donc attaché juſques-là qu’à ce qui dépend de l’Invention & du Deſſein : & quoy que Raphaël ait inventé trés-ingénieutement, qu’il ait deſſîné d’une Correction & d’une Elégance achevée, qu’il ait éxprimé les paſſions de l’ame avec une force & une grace infinie, qu’il ait traité ſes ſujets avec toute la convenance & toute la nobleſſe poſſible, & qu’aucun Peintre ne luy ait diſputé l’avantage de la primauté dans le grand nombre des parties qu’il a poſſédées ; il eſt conſtant néanmoins qu’il n’a pas pénétré dans le Coloris aſſez avant pour rendre les objets bien vrais & bien ſenſibles, ni pour donner l’Idée d’une parfaite imitation.