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de montrer comment ces Idées imparfaites ſe ſont gliſſées juſqu’à nous.

La Peinture comme les autres Arts n’a été connuë que par le progrés qu’elle a fait dans l’eſprit des hommes. Ceux qui commencérent à la renouveller en Italie, & qui par conſéquent n’en pouvoient avoir que de foibles Principes, ne laiſſérent pas de s’attirer de l’admiration par la nouveauté de leurs Ouvrages ; & à meſure que le nombre des Peintres s’augmenta, & que l’émulation leur donna des lumiéres, les Tableaux augmentérent de prix & de beauté, il ſe forma des Amateurs & des Connoiſſeurs, & les choſes étant venuës à un certain point, on commença à croire qu’il étoit comme impoſſible que le Pinceau pût faire rien de plus parfait que ce qu’on admiroit dés ces tems-là.

Les grans Seigneurs viſitoient les Peintres, les Poëtes chantoient leurs loüanges, & dés l’an 1300. Charles I. Roy de Naples, paſſant par Florence, alla voir Cimabué, qui étoit en réputation ; & Côme de Médicis étoit tellement charmé des Ouvrages de Philippe Lippi, qu’il mit tout en uſage pour vaincre la bizarrerie & la pareſſe de ce Peintre, afin d’en avoir des Tableaux.

Cependant il eſt aiſé de juger par les