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par l’Invention, & comme un pur effet de l’imagination du Peintre. Ils éxaminent cette Invention, ils en font l’anatomie, & ſelon qu’elle leur paroît plus ou moins ingénieuſe, ils louënt plus ou moins le Tableau, ſans en conſidérer l’effet, ni à quel dégré le Peintre a porté l’imitation de la Nature. C’eſt dans ce ſens que Saint Auguſtin dit que la connoiſſance de la Peinture & de la Fable eſt ſuperfluë, quoy que dans le même endroit ce Pére louë les Siences profanes.

C’eſt en vain pour ces ſortes de perſonnes que Titien, Géorgien & Paul Veronéſe ſe ſont épuiſez, & qu’ils ont pris tant de peine pour porter ſi loin l’imitation de la Nature, & que les habiles Peintres regardent leurs Ouvrages, & les conſeillent comme les Exemplaires les plus parfaits. C’eſt inutilement qu’on leur fait voir des Tableaux, puiſque les Eſtampes correctes pourroient ſuffire pour éxercer leur jugement, & pour remplir l’étenduë de leur connoiſſance.

Je reviens à Saint Auguſtin, & je dis que s’il avoit eu la véritable Idée de la Peinture, qui n’eſt autre que l’imitation du vray, & qu’il eût fait réfléxion que par cette imitation on peut élever en