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CHAPITRE VI.

Du grand Goût.



L’On a vû dans la définition que j’ay donnée du grand Goût par rapport aux Ouvrages de Peinture, qu’il ne s’accommode point des choſes ordinaires. Or le médiocre ne ſe peut ſouffrir tout au plus que dans les Arts qui ſont néceſſaires à l’uſage ordinaire, & non dans ceux qui n’ont été inventez que pour l’ornement du monde & pour le plaiſir. Il faut donc dans la Peinture quelque choſe de grand, de piquant & d’éxtraordinaire, capable de ſurprendre, de plaire & d’inſtruire, & c’eſt ce qu’on appelle le grand Goût : c’eſt par luy que les choſes communes deviennent belles, & les belles, ſublimes & merveilleuſes ; car en Peinture le grand Goût, le Sublime & le Merveilleux ne ſont que la même choſe : le langage en eſt muet à la vérité, mais tout y parle.