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donc conſidérer les actions de la Nature de deux maniéres, ou lorſqu’elle agit elle-même de ſon bon gré, ou lorſqu’elle agit par habitude au gré des autres.

Les actions purement de la Nature, ſont celles que les hommes feroient, ſi dés leur enfance on les laiſſoit agir ſelon leur propre mouvement ; & les actions d’habitude & d’éducation, ſont celles que les hommes font en conſéquence des inſtructions & des exemples qu’ils ont reçûs. De celles-cy il y en a autant que de Nations différentes, & elles ſont tellement mêlées parmi les actions purement naturelles, qu’il eſt à mon ſens tres-difficile d’en connoître la différence. C’eſt néanmoins ce que les Peintres doivent tâcher de faire, car ils ont ſouvent des ſujets à traiter, où ils doivent ſuivre la pure Nature, ou en tout, ou en partie. Il eſt bon qu’ils n’ignorent pas les actions différentes dont les principales Nations ont revêtu la Nature : mais comme leur différence vient de quelque affectation, qui eſt un voile qui déguiſe la vérité, la principale étude du Peintre doit être de débroüiller & de connoître en quoy conſiſte le vray, le beau & le ſimple de cette même Nature, laquelle tire toutes ſes beautez & toutes ſes graces du fond de ſa pureté & de ſa ſimplicité.