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la plûpart des Peintres l’eſtiment ſans l’imiter, ſoit qu’ils trouvent ſa maniére inacceſſible, ou qu’y étant une fois entrez, ils n’en puiſſent aſſez dignement ſoûtenir le caractére.




REFLEXIONS
Sur les Ouvrages du Poussin.



LE Poussin étoit né avec un beau & grand Génie pour la Peinture : l’amour qu’il eût d’abord pour les Figures Antiques les luy fit étudier avec tant de ſoin, qu’il en ſavoit toutes les beautez, & toutes les différences ; qu’il en chercha la ſource dans l’étude de l’anatomie, & qu’enfin il s’aquit dans ce Goût-là une habitude conſommée du Deſſein. Mais dans cette partie-là-même, au lieu de tourner ſes yeux ſur la Nature, comme ſur l’origine des beautez, dont il étoit épris, il regarda cette Maîtreſſe des Arts beaucoup au deſſous de la Sculpture, à laquelle il l’avoit aſſujetie : en ſorte que dans la plûpart de ſes Tableaux, le Nud de ſes Figures tient beaucoup de la pierre peinte, & porte avec luy plutôt la dureté des marbres, que la délicateſſe d’une chair pleine de ſang & de vie.