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Ouvrage, à moins qu’il n’ait recours aux études que les autres en ont faites.

Il eſt même fort vray-ſemblable que ſi un Peintre n’a, ni le tems, ni la commodité de voir la Nature, & qu’il ait un beau Genie, il pourra étudier d’aprés les Tableaux, les Deſſeins, & les Eſtampes des Maîtres qui ont ſû choiſir les beaux endroits, & les mettre en œuvre avec intelligence ; tel, par exemple, qui voudra faire du Païſage, & qui n’aura jamais vû, ou qui n’aura pas aſſez obſervé les païs propres à être peins par leur bizarrerie, ou par leur agréement, fera trés-bien de profiter des Ouvrages de ceux qui ont étudié ces païs-là, ou qui ont repréſenté dans leurs païſages des effets extraordinaires de la Nature. Il pourra regarder les productions de ces habiles Peintres, comme s’il regardoit la Nature, & les faire ſervir dans la ſuite à inventer quelque choſe de luy-même.

Il trouvera même deux avantages en étudiant d’abord d’aprés les Ouvrages les habiles Maîtres : Le premier eſt, qu’il verra la Nature débaraſſée de beaucoup le choſes qu’on eſt obligé de rejetter quand on la copie : le ſecond eſt, qu’il apprendra par là à faire un bon chois de la Nature, à n’en prendre que le beau, & à rectifier ce qu’elle a de défectueux.