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ſecours & ſans connoiſſances : il eût toutes les peines du monde d’y ſubſiſter ; il étoit contraint de donner ſes Ouvrages, ſon unique reſſource, pour un prix qui payoit à peine ſes couleurs. Néanmoins il ne perdit pas courage, & le parti qu’il prit, fut de travailler aſſiduëment à ſe rendre habile. La néceſſité où il étoit de ſe paſſer de peu pour ſa nourriture & pour ſon entretien, fit qu’il demeura long-tems retiré ſans fréquenter perſonne, s’occupant entiérement à faire de ſérieuſes Etudes ſur les belles choſes, qu’il deſſinoit avec ardeur.

Malgré la réſolution qu’il avoit faite de copier les Tableaux des grans Maîtres, il s’y exerça fort peu. Il croyoit que c’étoit aſſez de les bien éxaminer, & d’y faire ſes réflexions, & que le ſurplus étoit un tems perdu : mais il n’en étoit pas de même des Figures Antiques. Il les modeloit avec ſoin ; & il en avoit conçû une ſi grande Idée, qu’il en fit ſon principal objet, & qu’il s’y attacha entiérement. Il étoit perſuadé que la ſource de toutes les beautez & de toutes les graces venoit de ces éxcellens Ouvrages, & que les anciens Sculpteurs avoient épuiſé celles de la Nature, pour rendre leurs Figures l’admiration de la Poſtérité. La grande liaifon qu’il avoit avec deux habiles