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ſur l’Ouvrage des autres ? C’eſt ainſi que la vérité ſe peut quelquefois cacher à la ſience la plus profonde, & que manquer ſur les faits, n’eſt pas toûjours manquer à la juſteſſe de ſes jugemens.

Cependant quelque équivoque que ſoit un Tableau ſur l’originalité, il porte néanmoins aſſez de marques extérieures pour donner lieu à un Connoiſſeur d’en dire, ſans témérité, ce qu’il en penſe bonnement ; non pas comme une derniére déciſion, mais comme un ſentiment fondé ſur une ſolide connoiſſance.

Il me reſte encore à dire quelque choſe ſur les Tableaux, qui ne ſont ni Originaux, ni Copies, leſquels on appelle Paſtiches, de l’Italien, Paſtici, qui veut dire, Pâtez : parce que de même que les choſes différentes qui aſſaiſonnent un Pâté, ſe réduiſent à un ſeul Goût ; ainſi les fauſſetez qui compoſent un Paſtiche, ne tendent qu’à faire une vérité.

Un Peintre qui veut tromper de cette forte, doit avoir dans l’eſprit la maniére & les principes du Maître dont il veut donner l’idée, afin d’y réduire ſon Ouvrage, ſoit qu’il y faſſe entrer quelque endroit d’un Tableau que ce Maître aura déja fait, ſoit que l’Invention étant de luy, il imite avec légéreté, non ſeule-