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dans le Palais, ſavoir le Portrait de Leon X. de la main de Raphaël ; & le luy ayant montré, Vaſari luy dit, qu’il étoit en effet tres-beau, mais qu’il n’étoit pas de Raphaël. Jules Romain l’ayant plus attentivement conſidéré. Comment, repliqua-t’il, il n’eſt pas de Raphaël ? Eſt-ce que je ne reconnois pas mon Ouvrage, & que je ne voy pas les coups de Pinceau que j’y ay donnez moy-même ? Vous n’y prenez pas aſſez garde, repartit Vaſari, car je puis vous aſſurer que je l’ay vu faire à André del Sarte : & qu’ainſi ne ſoit, vous y trouverez, derriére la toile une marque qu’on y mit éxprés pour ne le pas confondre avec l’Original. Jules Romain ayant donc tourné le Tableau, & s’étant apperçû de la vérité du fait, ſerra les épaules d’étonnement, & dit ces paroles. Je l’eſtime autant que s’il étoit de Raphaël, & même davantage : car il n’eſt pas naturel d’imiter un ſi éxcellent Homme, juſqu’à tromper.

Puiſque Jules Romain, tout habile qu’il étoit, après avoir été averti, & avoir éxaminé le Tableau, perſiſtoit vivement à ſe tromper dans le jugement qu’il faiſoit ſur ſon propre Ouvrage, comment pourroit-on trouver étrange que d’autres Peintres, moins habiles que luy, ſe laiſſaſſent ſurprendre