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moins en ce qui constituerait la source primitive et la base de la vie sociale ; toute collectivité, en effet, exige des agents sociaux déjà existants, pour qu’elle puisse se produire, à moins que nous n’admettions l’intervention créatrice d’une providence ; par conséquent, elle ne peut expliquer l’existence des phénomènes sociaux ; et les éléments de cette collectivité — les âmes individuelles — ne peuvent pas être en même temps ses produits. Ces difficultés disparaissent, si nous admettons comme thèse, que le principe conditionnant les phénomènes sociaux, c’est notre propre « moi » pensant, l’unique pour tous, que par conséquent, nulle conscience plus élevée ne se produit de la synthèse des nôtres, puisque la synthèse est ici tout à fait égale aux éléments. L’agent social existe dans la conscience individuelle, est cette conscience même. Par contre, les nations et les classes, loin de constituer un être métaphysique, conditionnant la vie sociale, en qualité de son prius Κατ’ἐξοχήν, ne sont au contraire que l’effet de cette vie sociale, le produit de la phénoménalité, et soumises, comme elle, aux changements et à la destruction. Les classes et les organisations sociales peuvent être ou ne pas être, suivant la phase dans laquelle entre l’histoire. Le phénomène social précède l’avènement de ces groupements humains, il ne peut donc pas être conditionné par eux. Toute collectivité, tout lien social — un intérêt, une idée, — exige l’admission d’un substrat social déjà existant, ainsi que la recherche de sa source phénoménale, de sa cause déterminante ; l’aperception seule, le sujet pensant s’opposant à toute phénoménalité, ne permet pas de rechercher sa cause et seule se suffit à elle-même comme substance sociale.

Cette propriété essentielle des phénomènes sociaux, qu’ils objectivent en eux l’être pensant de l’homme, est en même temps la raison, pour laquelle la catégorie éthique, exprimée dans la forme d’un « doit être » leur peut universellement s’appliquer. On peut même dire que partout où peut être appliquée la catégorie éthique, nous avons à faire avec les phénomènes sociaux ou pouvant se socialiser. Cela résulte, comme nous l’avons vu, de ce que c’est seulement dans l’être pensant de l’homme que se résout la contradiction du déterminisme et de la liberté (voir nos premiers paragraphes). La catégorie éthique s’applique à la vie psychique dans les cas seuls où agit l’aperception ; pour les rêves, les associations, les instincts, nous ne connaissons pas de normes obligatoires ; par contre, elles existent pour les concepts, les jugements et le raisonnement ; elles ne trouvent pas d’application pour les actions impulsives, mais seulement