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que comme négation de tous les phénomènes, sans aucune valeur positive d’existence. C’est la négation de tout ce qui peut donner lieu au développement de la pensée, excluant de soi toute passivité et objectivité, ayant par conséquent la signification de l’activité intérieure même de notre « moi » pensant, à laquelle, partout et toujours s’opposent les données qui servent aux opérations mentales, l’objectivité quelle qu’elle soit, et qui précisément par cette opposition manifeste son être réel et sa valeur logique. — L’intuition constitue donc tout le côté positif de notre vie psychique ; l’aperception, son côté négatif. L’intuition nous unit à cet « inconscient » qui nous entoure, comme un « mare tenebrarum » amorphe et anonyme ; elle n’est qu’un reflet chaotique de ces impressions extérieures et sensations organiques, qui affluent continuellement au cerveau par milliers d’ondes, se fusionnant toutes dans une seule nébuleuse émotionnelle. L’aperception, par contre, c’est l’action de notre attention volontaire, de volonté consciente, c’est ce qui aperçoit et s’oppose en même temps à cet afflux d’intuition. Envers notre intuition elle joue le rôle d’un appareil ordonnateur, en transformant cet afflux du sentiment indéterminé, embrouillé et anonyme, qui s’éveille en nous par le contact avec l’être de l’inconscient, en représentations, conceptions et pensées, en phénomènes déterminés et désignés ; elle accomplit le rôle d’une force créatrice, qui donne les formes à une matière brute, qui, du chaos d’une nébuleuse sensitive, construit tout un monde de choses et de rapports. Chacune de nos pensées commence donc et se produit par un acte d’aperception. Chaque concept ou notion est marqué par l’action de l’attention volontaire, exercée sur un état d’intuition conçu de l’inconscient. « Pas de concept sans un acte d’attention volontaire » — peut être considéré comme une loi psychologique. En un mot, tout ce que apercevons d’une manière précise, avec quoi notre pensée opère, à quoi nous pouvons donner une désignation, indiquer une certaine place dans l’ordre du monde, la position d’une chose, d’une propriété ou d’un rapport dans notre connaissance, tout ceci a déjà été soumis à l’action de notre volonté intérieure, déterminé par l’aperception, a passé par un acte de la pensée, accompli avec un certain effort de l’attention. Par contre, les états vierges d’intuition, ceux qui n’ont pas été touchés par l’aperception, ceux qui viennent de sortir du sein de l’inconscient, frisent seulement le seuil de la pensée, comme une masse informe du sentiment, qui est appelée seulement à donner naissance au monde de nos représentations, monde conçu dans la