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étrangère à la nôtre, c’est seulement parce que cette « conscience sociale » n’est rien d’autre que notre conscience individuelle, que notre « moi » et le « moi » de chaque homme n’est qu’une seule et même chose dans son essence. Par conséquent, les consciences humaines, n’étant pas envers elles-mêmes des entités distinctes et séparées, ne peuvent ni s’additionner, ni se combiner entre elles. La synthèse des phénomènes individuels, produisant un phénomène nouveau — social, ne peut cependant pas créer une nouvelle conscience, parce ce que celle-ci, étant chez tous les individus le même — la négation du phénomène, n’est soumise à aucune synthèse, comme en général, à aucun rapport ni changement. — C’est pourquoi aussi, le phénomène social étant la synthèse des phénomènes individuels psychiques, n’existe cependant que dans la conscience individuelle humaine. Par la même raison aussi, ne cessant pas d’être social, c’est-à-dire, une objectivation de la conscience des autres hommes, il est en même temps l’objectivation de la nôtre propre, et pour cela parfaitement accessible et familier pour nous. Il est cet objet dans lequel les consciences des différents individus manifestent leur identité, dans lequel le « moi » pensant de chaque homme se retrouve lui-même. Et c’est ce qui constitue l’attribut le plus essentiel du phénomène social. Partout ailleurs — dans le monde objectif — nous ressentons quelque chose d’absolument étranger et impénétrable, impossible à connaître, l’obstacle de l’inaccessible « chose en soi » ; ici, par contre, cette « chose en soi », voilée dans l’objet, c’est notre « moi » propre, et c’est pourquoi nous pouvons entrer dans des rapports aussi intimes avec le phénomène social, nous sentir comme chez nous dans tout le domaine de la vie collective, tandis que l’être obscur des phénomènes physiques, du monde ambiant de la nature, reste toujours énigmatique et absolument étranger pour notre intuition, quelle que soit la précision à laquelle nous pouvons parvenir dans la connaissance de ce monde. Ce que nous retrouvons au fond de chaque phénomène social, c’est donc l’être pensant de l’homme, cette unique réalité d’un caractère métaphysique, qui n’étant pas phénomène, est néanmoins la plus accessible et la plus proche à notre sentiment.

La révélation de ce noyau essentiel des phénomènes sociaux, de cette vraie substance du monde humain, sera pour nous plus évidente, si nous remarquons, que c’est l’aperception seule qui socialise les phénomènes. — Les sociologues sont proches de cette conception, lorsqu’ils disent, que « la société est un système organisé fina-