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comme une simple somme d’individualités, mais comme les phénomènes d’une conscience spécifique, surhumaine, étant une synthèse des consciences individuelles, et par cela même qualitativement différente d’elles. L’analogie rencontre ici un obstacle spécial. Ce que nous appelons conscience, ne possède dans notre intuition aucun contenu compréhensible, puisque ce n’est que le côté purement négatif de tous les phénomènes, l’élément continu et constant qui s’oppose à l’infinie variabilité des objets. C’est un terme qui, muet sur le contenu de l’objet aperçu, parle de cela seul qu’il est aperçu, donc, de son côté négatif ; qui atteste cette chose seule, que le phénomène donné est un phénomène, un objet de la pensée pour le sujet, que nous connaissons immédiatement comme étant notre « moi ». Observant notre conscience, nous n’apercevons que les phénomènes intérieurs, les sentiments, les idées, les impressions, et c’est cela seul qui constitue le contenu de notre intuition ; par contre, nous ne pouvons jamais y apercevoir le côté subjectif de ces phénomènes, pour lequel ils existent comme phénomènes, ce sujet pensant qui, sous peine d’anéantissement de la pensée, ne peut jamais être saisi par elle. En d’autres termes, pour employer les expressions de Kant, si la conscience même (et non pas les phénomènes qu’elle conditionne universellement) pouvait constituer l’objet de la pensée, cet objet serait le sujet déterminant, et non pas le sujet déterminable, nous aurions la connaissance de la chose en soi, du noumène. La conception de la « conscience » ne peut donc signifier que la négation de tout ce qui existe pour nous comme phénomène, comme objet de la pensée ; et comme le phénomène embrasse le monde entier des existences qui nous sont accessibles, par conséquent, le concept de la « conscience » est un concept-limite, extrême (Grenzbegriff), où la pensée humaine s’épuise complètement et ne peut rien en dégager de plus, et dès lors, dans aucun cas, il ne peut servir à la construction d’une nouvelle conception. Dans l’intuition de ce concept, nous ne retrouvons que le sentiment de notre propre « moi », s’opposant à tout ce que nous percevons, ne pouvant être traduit en rien, ce qui fait que ce concept, placé en dehors de nous, perd tout terrain d’appui réel. Mais, même en supposant qu’il conserve encore alors un certain sens déduit de l’analogie, il nous amène cependant des difficultés impossibles à résoudre. Nous pouvons envisager cette conscience surhumaine, sociale, de deux manières seulement : ou bien comme existant tout à fait indépendamment de la nôtre, et alors elle dégénère en conception d’un « dieu », ou comme synthèse des consciences