créateur et final, l’idéal ne sera pas acquis, quoique scientifiquement il soit déterminé comme résultat de toute l’évolution passée, et que comme tel, en tout cas, il doive nécessairement venir. — L’idéal reste donc, dans ce cas également, libre de la causalité phénoménale, conserve la pureté de sa nature, et c’est seulement un acte de la volonté consciente, l’acte de la révolution, qui peut le réaliser.
La contradiction de ces deux méthodes, scientifique et créatrice, se manifeste donc d’une manière bien expressive. L’une a pour base la causalité, déterminisme évolutionniste, et considère chaque fait historique, économique aussi bien que moral, conscient ou inconscient, comme nécessaire, comme conditionné par toute une série de phénomènes antécédents ; l’autre admet pour base la contingence, considère les faits historiques comme pouvant arriver ou ne pas arriver, suivant l’action d’une volonté consciente, qui se conditionne elle-même. L’une envisage l’avenir social comme le résultat indispensable de toute l’évolution passée, résultat déterminé dans les phénomènes et naissant spontanément du présent ; l’autre le considère comme un idéal délivré de toute causalité, n’étant conditionné par aucun phénomène et qui peut être seulement déterminé par l’acte de la volonté consciente, par une cause finale. L’une ne connaît point de catégories éthiques, ne parle que de ce qui est ou doit arriver, absolument étrangère et inaccessible à une moralité quelconque ou à l’action politique ; l’autre au contraire pose des normes obligatoires, parle de ce qui doit être, aussi bien dans le domaine de la morale individuelle, que dans la politique.
On a cherché d’habitude la solution de cette antinomie méthodique dans la violation de la pureté de la méthode évolutionniste. Pour justifier la nécessité de l’existence d’une politique créatrice de l’histoire, devant la spontanéité du développement social, on avait par exemple recours à une division étrange des phénomènes en deux catégories : ceux qui sont soumis au déterminisme évolutif, et ceux qui ne le sont pas : les rapports « des choses » économiques, appartiendraient exclusivement au développement spontané, à l’évolution historique ; tandis que tout le domaine de la conscience humaine, et spécialement le domaine des idées sociales, l’idéologie, constituerait le terrain de la création propre, et comme s’il était délivré du déterminisme historique, justifierait l’existence du parti et de l’action politique. Il est cependant facile de voir tout ce qu’il y a d’arbitraire et de superficiel dans une telle division, puisque chaque phénomène, économique aussi bien que moral, physique comme