Page:Abramowski - Le Matérialisme historique et le principe du phénomène social.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 37 —

productivité sociale du travail et des besoins de la culture vitale est influencé par toute une foule de faits sociaux, par le progrès des sciences, l’état de la lutte des classes, les modifications de la constitution politique, les mœurs, les guerres, le système fiscal et celui de l’éducation, le développement des beaux arts etc. Lorsque nous envisageons les phénomènes à l’état statique, alors seulement ils se discernent en certaines classes nettement délimitées, alors seulement on peut considérer à part les faits économiques, moraux, politiques ; mais alors aussi nous considérons plus les conceptions que les choses mêmes. Le caractère constant et rigoureusement limité d’une certaine catégorie de phénomènes ne se retrouve que dans les définitions ; lorsque cependant, nous délivrant de la définition, nous regardons la réalité de la vie, les phénomènes dans leur devenir, ce caractère s’efface, les catégories empiètent les unes sur les autres, et un phénomène donné, économique par exemple (la manufacture capitaliste, la ferme à corvée) revêt comme un caractère de « symbole » de toute une vie sociale, résume dans sa nature tous les courants émanés de l’esprit humain. Comme c’est seulement dans la définition conceptuelle qu’apparaissent les abstractions pures d’une certaine couleur, d’une certaine forme, intensité, etc., tandis que le phénomène même n’y correspond pas, la réalité ne connaît pas de couleur sans forme, ni d’intensité sans couleur, et réunit en elle l’hétérogénéité qualitative ; de même, derrière les définitions pures des phénomènes sociaux se dressent les moments de la vie même, la fusion des différents éléments potentiels, qui confèrent au phénomène la force de développement et font qu’il doit évoluer continuellement. Par contre, toute abstraction, étant une homogénéité éliminée de la vie, reste toujours morte ; la forme de la production ou de la propriété, si elle existait dans la vie sociale réelle telle qu’elle existe dans le cerveau des savants, serait absolument stérile, incapable d’un processus de développement. Or, nous rappelant cette vérité inductive que chaque phénomène social est le produit d’agents hétérogènes de la vie, qu’il les symbolise en lui pour ainsi dire sans jamais réellement correspondre à la pure définition qui le représente dans notre intellect, nous devons en même temps reconnaître qu’il n’existe pas de série causale de phénomènes d’une même catégorie, qu’il n’existe point d’évolution économique, politique, morale, qu’on ne peut parler de séries plus importantes ou moins importantes, de premier ordre ou de second ordre, vu que nulle de ces séries ne pourrait se produire par elle-même, chacune n’étant qu’un seul côté, isolé dans notre conception, de la totalité de la vie. Par suite nous pourrons traduire les séries his-